Le droit de l'informatique dans les années 80

AutoreVittorio Frosini
Pagine63-72

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@1. La nouvelle discipline d'enseignement sur les rapports entre l'informatique et le droit.

Au seuil des aimées 80, et plus précisément le 30 avril 1980, le Comité des ministres des Etats membres du Conseil de l'Europe approuva une Recommandation sur «l'enseignement, la recherche et la formation en matière d'Informatique et de droit»1. Dans ce document, on attirait l'attention des autorités compétentes sur l'« importance croissante de la matière Informatique et droit et sur l'utilité de développer au niveau universitaire l'enseignement fondé sur un Programme joint à la Recommandation. Dans ce programme, on observait que l'interaction de l'informatique avec le droit exigeait de nouvelles compétences méthodologiques et de nouvelles stratégies Interdisciplinaires », étant donné que «d'une part l'ordinateur est considéré comme un Instrument utilisé par le juriste pour créer des banques de données juridiques et pour faciliter l'administration de la justice; d'autre part, le recours à l'ordinateur soulève une série de problèmes, qui doivent être réglés par la loi». Pour ces raisons, concluaiton, «on a estimé que l'expression» Informatique et droit «reflétait mieux les deux aspects de problème dont l'enseignement doit s'occuper».

En effet, cette désignation des deux éléments du contenu éclectique de la nouvelle discipline proposée sert pour suggérer la délimitation d'une zone limite entre deux territoires du savoir et dans ce sens elle avait été déjà employée par la doctrine. L'exemple le plus représentatif est celui qui est donné par le titre «Informatique et droit» de la revue éditée par les soins de l'Institut pour la' documentation juridique de Conseil National des Re-Page 64cherches et publiée à Florence depuis le mois de janvier 1975. La revue avait déjà eu en 1980 une diffusion au niveau international comme peut le confirmer le premier «Congrès international d'études sur la logique, l'informatique et le droit» qui, organisé par les responsables mêmes de la Revee, s'est tenu à Florence du 6 au 10 avril 1981 et dont les Actes ont paru dans une édition internationale2.

On peut cependant observer que cet espace idéal de jonction et de superposition entre deux compétences distinctes de nature scientifique, c'est-à-dire la compétence de l'informatique et là compétence juridique, présente une certaine ambiguïté, ou pour être plus clair, que cet espace établit entre les deux termes un rapport qui, pour être vraiment fécond doit donner naissance à une nouvelle forme spécifique de compétence. Cette morphogênèse s'est vérifiée, puisque du croisement entre l'informatique et le droit sont nés d'abord une file, l'informatique juridique, puis un fils, le droit de l'informatique. Si on sort de la, métaphore, les choses se sont passées ainsi: au cours des années 70, l'intérêt des chercheurs portait dans un premier temps sur les nouvelles possibilités de recherche intelectuelle et d'application pratique, offertes aux opérateurs du droit par le nouvel instrument technologique qu'est l'ordinateur et par sa méthodologie fonctionnelle, l'informatique. Ensuite leur attention s'est déplacée sur les nouvelles perspectives de traitement doctrinal des instituts juridiques et des aspects jurisprudentiels nés du nouveau monde social des ordinateurs et qui donaeet de plus en plus d'importance et de complexité aux problèmes de droit.

@2. De l'informatique juridique au droit de l'informatique.

Faisons pendant un instant un retour en arrière pour tracer avec quelques points de repère le processus de formation de l'informatique juridique et pour simplifier notre propos, servons-nous de quelques titres et de quelques dates. En 1949, Lee Loevinget pubis dans la «Minnesota Law Review» son article prophétique intitulé Jurimetrics; The Next Siep Forward qui fut à l'origine d'un grand débat aux Etats-Unis, et il nous reste en document significatif dans le lapport de la «First Law and Electronics Conférence» qui s'est tenue en Californie en octobre 19603.

Comme on peut le déduire du titre du Congrès, un premier rapport fut ainsi établi entre l'électronique et le droit. En 1962 fut créé en France le nouveau terme «informatique», dérivé du mélange entre les ternies correspondant aux termes italiens «information» et «automatique», mais ce terme n'eut pas une application immédiate dans le secteur juridique. En effet en 1963 fut publié à Prague l'important ouvrage de Victor Knapp, L'ap-Page 65plicabilità délia Cibernetica al diritto (L'applicabilité de la cybernétique au droit). Il est curieux d'observer que le premier livre consacré entièrement à cet argument soit paru dans la vile même où avaient eu leur origine le mythe de Golem de l'homme artificiel et l'invention littéraire du robot et la machine anthropomorphique. Mais le livre de Knapp resta alors inconnu du monde de la culture occidentale, à cause des raisons à caractère linguistique et politique qui ont été exposées par Mario Losano dans son «Introduction» à l'édition italienne de cet ouvrage en 1978. Et on eut recours aux mêmes termes-dans le premier livre publié en Italie sur ce sujet en 1968, intitulé dbernetica, diritto e societa (Cybernétique, droit et société) et dans le livre successif qui est paru l'année suivante sous le litre de Giuscibernetica que nous devons à Mario Losano.

Entre la fin des années 60 et le début des années 70, l'usage du nouveau terme «informatique juridique» faisait irruption. Le «Journal Officiel» du 31 mai 1969 reconnaissait l'Institut de recherche d'informatique juridique qui avait été créé à l'Université de Parissud, et la revue hollandaise «Ars Àequi» de cette même année 1969 faisait allusion aux travaux d'un «Groupe d'études sur l'informatique juridique» de la même revue. Spiros Simitis, qui en 1970 avait intitulé son livre Crisi dell'informazione giuridica ed elaborazione elettronica dei dati (Crise de l'information juridique et traitement électronique des données), en rappelant donc les termes du congrès californien de dix ans auparavant, donna naissance en 1971 à la collection des «Materialen zur Rechtsinformatik» qui portait toutefois encore sur la couverture les termes Kibemetik et Recht.

Presque au milieu des années 70 fut publé le livre de Alain Chouraqui, L'Informatique au service du droit (Paris, PUF, 1974), où, à côté des problèmes de l'informatique juridique, on commençait à aborder aussi les problèmes, à ce momentlà très nouveaux, du droit de l'informatique. Dans le petit volume sur L'Informatique et le droit, publié en 1981 par Xavier Linant de Bellefonds dans la célèbre et diffuse collection « Que saisje » (Paris, PUF), la première partie s'intitule Le droit de l'Informatique et la seconde L'Informatique juridique: les places ont été interverties. Mais il y a encore plus: au congrès qui s'est tenu à Rome auprès de l'International Bureau for Informatics (IBI) au mois d'avril 1982, on présenta et on discuta un document intitulé Système de droit de l'informatique ou Corpus Iuris Infonnaticae: comme on peut le constater, la technologie la plus sophistiquée n'est pas...

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