Règlementer la rèsolution des litiges en ligne en Suisse: dèfis et enseignements de la pratique

AutoreJacques de Werra/Thomas Schultz
CaricaProfesseur ordinaire de droit de la propriètè intellectuelle et de droit des obligations/Maìtre-assistant
Pagine431-475

Jacques de Werra est professeur ordinaire de droit de la propriètè intellectuelle et de droit des obligations, Facultè de droit, Universitè de Genève (jacques.dewerra@ droit.unige.ch)

Thomas Schultz est maìtre-assistant, Facultè de droit, Universitè de Genève (thomas.schultz@droit.unige.ch).

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Riassunto: Regolamentare la risoluzione delle liti per via informatica in Svizzera: sfide e insegnamenti della pratica.

In questo articolo, gli autori analizzano le procedure di risoluzione delle liti relative ai nomi di dominio (Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy e procedure per i domini .ch) e a eBay, per trarne degli insegnamenti in relazione allo sviluppo di meccanismi di risoluzione delle liti in Svizzera. Questi insegnamenti riguardano specificatamente il ruolo che deve svolgere lo Stato per procedure di questo tipo e la necessità di instaurare delle misure di promozione verso la risoluzione delle liti per via informatica (on-line).

@Introduction

La présente contribution a pour but de présenter certaines réflexions sur l'avenir de la résolution en ligne des litiges en Suisse en tentant de tirer des enseignements de deux exemples concrets, soit celui des noms de domaines et celui d'eBay, dans lesquels des mécanismes de résolution alternative des litiges (Alternative Dispute Resolution, ADR1) et de résolu-Page 432tion des litiges en ligne (Online Dispute Resolution, ODR2) ont été utilisés avec succès.

Cette réflexion paraît se justifier aujourd'hui compte tenu de l'intérêt récemment montré par les autorités suisses pour les méthodes d'ADR et d'ODR, ceci ressortant en particulier de deux chantiers législatifs récents (l'un ayant été achevé et étant entré en vigueur le 1er avril 2007 en matière de télécommunications, l'autre étant encore en cours à l'heure actuelle et concernant le droit de la procédure civile).

Pour ce qui concerne le domaine des télécommunications, le Conseil fédéral a ainsi relevé, dans son Message à l'appui de la révision partielle de la loi fédérale sur les télécommunications (LTC), l'intérêt du développement des mécanismes de résolution alternative des litiges à l'ère de l'Internet, en soulignant expressément que "ce développement des ADR tient aux difficultés d'accéder à la justice (durée, complexité et coût des procédures, en particulier lors de litiges transfrontaliers avec des conflits de loi et de juridiction), difficultés qui se sont accentuées dans le monde immatériel, sans frontières et en rapide évolution de l'internet"3.

Sur cette base, la promotion des ADR a été mise en -uvre dans la loi à l'art. 12c LTC (qui est entré en vigueur le 1er avril 2007). En vertu de cette disposition (al. 1), "L'office [soit l'Office fédéral de la communication, OFCOM] crée un organe de conciliation ou confie cette tâche à un tiers.

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Si un différend survient entre un client et un fournisseur de services de télécommunication ou de services à valeur ajoutée, chaque partie peut saisir l'organe de conciliation". L'al. 2 de cet article règle la question des coûts de la procédure en disposant que "[c]elui qui saisit l'organe de conciliation paie un émolument pour le traitement de la requête. Le fournisseur de services de télécommunication ou de services à valeur ajoutée supporte les frais de la procédure, déduction faite de cet émolument". Enfin, l'al. 3 prévoit, concernant les effets de la décision de l'organe de conciliation que "les parties ne sont pas liées par la décision de l'organe de conciliation".

Sur ce fondement réglementaire, selon une information divulguée le 2 juillet 2007, l'OFCOM a décidé de créer lui-même d'ici au 1er juillet 2008 un service indépendant de conciliation, dont l'objectif sera de trouver des solutions équitables aux litiges entre les consommateurs et leur opérateur de télécommunication ou fournisseur de services à valeur ajoutée (p. ex. numéro surtaxé 0900)4. Ce faisant, l'OFCOM a privilégié une solution interne par rapport à une approche externalisée (qui aurait supposé le recours à un fournisseur de résolution des litiges tiers). Selon le communiqué de presse de l'OFCOM, "le service cherchera à apporter des solutions acceptables pour les deux parties sans qu'il soit nécessaire de juger qui a tort ou raison d'un point de vue purement juridique. En cas d'échec de la conciliation, les parties conservent le droit d'agir en justice"5. Comme les modalités de la mise en -uvre du service indépendant de conciliation par l'OFCOM ne sont pas encore connues, on ne sait pas à ce stade si ce service sera basé partiellement ou totalement sur un système de résolution des litiges en ligne.

La nouvelle réglementation du droit des télécommunications comporte par ailleurs une autre référence aux mécanismes de résolution alternative des litiges à l'art. 28 al. 2bis LTC (également entré en vigueur le 1er avril 2007) qui prévoit que "[l]e Conseil fédéral peut prescrire un mode alternatif obligatoire de règlement des différends pour les conflits opposant les titulaires de ressources d'adressage à des tiers. Il règle la procé-Page 434dure de ce mode de règlement, ses effets et ses conséquences sur la procédure civile, notamment en ce qui concerne la suspension de la prescription et le fardeau de la preuve. Les actions civiles des titulaires de ressources d'adressage et des tiers sont réservées". Aucune ordonnance du Conseil fédéral n'ayant été adoptée à ce jour, les modalités de la mise en -uvre de ce mécanisme de résolution des litiges restent encore inconnues. Là encore, on ne sait pas si ce système de règlement des différends aura au moins partiellement lieu en ligne sur un modèle d'ODR.

Des références, nettement moins abouties, ont également été faites à l'ODR et à l'ADR dans le cadre de la rédaction du projet de code de procédure civile suisse (CPC), les travaux de révision étant en cours actuellement, étant précisé que ce projet constitue une (petite) révolution en droit suisse, compte tenu du fait que le droit de procédure a été jusqu'à présent régi par le droit cantonal de sorte que le code de procédure civile suisse instituera à son entrée en vigueur une restriction importante à l'approche traditionnellement fédéraliste de la Suisse. Ainsi, dans le projet du Conseil fédéral du 28 juin 20066, l'art. 399 P-CPC (Projets pilotes) prévoit que "Les cantons peuvent mener des projets pilotes avec l'approbation du Conseil fédéral" (al. 1). Dans le Message du Conseil fédéral concernant l'art. 399 CPC, on peut ainsi lire que "[n]onobstant la nouvelle compétence de la Confédération en droit de la procédure civile, les cantons sont expressément encouragés à participer activement à son développement: par le biais de la jurisprudence d'une part, et par des projets pilotes d'autre part (p. ex. pour d'autres formes de RAL [soit des Règlements alternatifs des litiges] ou dans le cadre de la mise sur pied de procédures en ligne simplifiées, de conciliation ou au fond)"7. Dans un autre passage de ce Message, on peut aussi lire que "[l]'avenir est pris en considération de façon à permettre l'adaptation du droit de procédure à l'incessante évolution de la société, notamment dans le domaine des moyens et des formes de communication électronique et par Internet. Les cantons pourront ainsi - avec l'autorisation de la Confédération - entreprendrePage 435 des tests pilote aux fins d'instituer des formes de procédure plus aisées que les procédures actuelles"8.

A la lecture de ces divers documents officiels, on peut ainsi constater l'intérêt des autorités suisses pour l'ADR et l'ODR de sorte qu'il paraîtopportun de présenter certaines réflexions sur le développement de systèmes d'ODR en Suisse.

@1. Les enseignements du système de résolution des litiges relatif aux noms de domaine

@@1.1. La procédure UDRP

Avant de présenter les caractéristiques essentielles du système de résolution des différends applicable aux noms de domaine .ch9, il convient de rappeler que ce système s'inscrit dans le sillage de la procédure de l'Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy (UDRP), qui a été adoptée par l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) le 26 août 199910 et qui a permis de résoudre un nombre assez phénoménal (soit plusieurs dizaines de milliers) de litiges de cybersquatting11. Ce succès découle en particulier de l'obligation imposée aux autorités d'enregistrement de noms de domaine de type generic top level domains (gTLDs) d'obtenir une accréditation auprès de l'ICANN pour exercer leurs activités, cette accréditation requérant précisément que ces autorités s'engagent à ce que leurs propres clients (qui enregistrent des noms de domaine) soient tenus de se soumettre à l'UDRP12.

Bien que le succès d'une procédure UDRP dépende de l'existence d'une marque dont la partie demanderesse doit prouver être titulairePage 436 et, dans cette mesure, dépende du droit étatique, ce système de résolution des litiges en ligne se caractérise néanmoins par son caractère géographiquement et juridiquement délocalisé. En effet, la procédure UDRP est destinée à s'appliquer indépendamment de la localisation géographique des parties au litige, et en particulier indépendamment du domicile/siège de la partie défenderesse qui est titulaire du nom de domaine. De plus, la décision rendue par les experts dans le cadre de la procédure UDRP doit l'être sur la base de critères matériels qui sont indépendants du droit étatique (qui tiennent en particulier à la bonne ou mauvaise foi respectives des parties au litige), sous réserve de la question de l'existence d'une marque détenue par la partie demanderesse13. Le pouvoir de cognition des experts est également limité dans la procédure UDRP, les experts ne pouvant pas se prononcer sur d'autres conclusions que celles en radiation ou en transfert du nom de domaine litigieux. Concernant l'exécution des décisions de transfert ou de radiation du nom de domaine litigieux qui seraient rendues dans le cadre de la procédure UDRP, cette exécution sera...

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