Les réalisations FIURIS, BIA et DRANT: essai de bilan comparatif

AutoreMichel Humbert
CaricaDirettore del Centre de Documentation des Droits Antiques, Université de Paris II
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  1. L'entreprise française, la bibliographie des Droits Antiques (drant), née et développée sous les auspices conjoints de l'Université de Droit de Paris (Panthéon-Assas) et du CNRS, s'est déroulée en totale indépendance à l'égard des réalisations italiennes, celle de Rome et celle de Catane. Le résultat aurait pu conduire à un gaspillage de talent et d'énergie, sous la forme de banques de données disparates ou redondantes. Bien au contraire: la concurrence a joué, comme à l'ordinaire, un rôle très positif. Mais l'heure des initiatives isolées est probablement dépassée. Les centres romanistiques de Rome, de Catane et de Paris ont nourri des réflexions approfondies qui permettent immédiatement de dégager un double enseignement. D'une part, la nécessité de poursuivre la constitution de banques de données informatisées ouvertes à un vaste public; de l'autre, l'urgence de coordonner les efforts de chacun devant l'immensité de la tâche d'assistance documentaire que la communauté scientifique internationale peut attendre.

    Telle est la leçon de ce modeste bilan. Mais je voudrais formuler au préalable une remarque de poids: les banques de données FEJMS et BIA n'ont été accessibles qu'indirectement, à travers des descriptifs1. De plus, lesPage 280 informations disponibles datent, au jour où ces lignes ont été rédigées, de plus d'une année, alors que les innovations se succèdent à un rythme rapide. Aussi F information de l'auteur de ces quelques pages estelle certainement incomplète et, pour une part sûrement trop importante, erronée. Mais en demandant par avance aux concepteurs des systèmes fiuris et bia de pardonner les défauts d'un premier bilan comparatif, je voudrais, dans l'esprit de cette rencontre amicale' et très opportune, donner à chaud mes premières impressions.

    @A. Le modèle FIURIS: L'information centralisée sur les sources juridiques citées par les principales revues de droit romain

  2. Commençons par les performances spécifiques de cette banque de données. Elles sautent aux yeux. En effet toute recherche spécialisée ou érudite commence - ou devrait commencer - par le contact direct avec les sources antiques: ce sont les textes eux-mêmes qui sont soumis sans Intermédiaire au questionnement du chercheur. Or c'est aux partisans de cette méthode scientifique excellente que FIURIS offre ses Incomparables services. A partir d'une citation déterminée - un fragment du Digeste, FIURIS donne la référence des articles qui ont utilisé cette source et contribuent donc à son Interprétation. L'Indication du degré d'analyse est même poussé fort loin, puisque FIURIS donne, pour chaque source Indexée, le poids qu'elle occupe dans l'article référencé: une mention dans le texte, ou dans une note; ou, très différemment un commentaire spécifique dans le texte ou simplement en note. L'utilisateur sait donc immédiatement s'il disposera d'une citation accessoire dans une discussion marginale ou si, au contraire, le texte qui le préoccupe tient une place cardinale dans la démonstration de l'auteur de l'article.

    Le service offert par FIURIS est Incomparable: l'on sait l'aide que fournit le Generalregister de la ZSS - mais dont le gros volume d'index des sources citées ne paraît que tous les 25 ans (recouvrant donc 25 volumes) - et avec un retard Inévitable de quelques années2. Or ici, les données couvrent dixPage 281 revues juridiques3, avec mises à jour régulière et présentation sur support magnétique. De la sorte, les résultats obtenus sont beaucoup plus performants que ceux atteints par les deux autres banques de données confrontées, BIA et DRANT: ces deux dernières, en effet, ne prétendent pas à l'exhaustivité, mais isolent, pour chaque ouvrage ou article, les quelques textes essentiels qui, soit jouent dans l'argumentation un rôle charnière, soit ont bénéficié d'une interprétation neuve. Il est certain que le modèle FIURIS, parce qu'il ne fait pas double emploi avec les, autres banques de données, doit être poursuivi. Mais peutil faire cavalier seul, et sous cette forme? Les limites du système FIURIS me paraissent se situer à trois niveaux.

  3. La masse documentaire traitée. Dans un premier temps, l'équipe FIURIS offre le dépouillement systématique de dix revues de droit romain - auxquelles pourront s'en ajouter par la suite deux autres. Il est certain que nombre de sources juridiques nourrissant d'importants articles de droit romain échapperont, de la sorte, au tri. Que l'on songe à des revues comme Atheriaeum, JRS, Latomus, Phoenix... En outre, seuls les ouvrages et monographies qui auront fait l'objet d'une analyse dans l'une de ces dix revues alimenteront la banque de données. On peut alors soulever deux questions: le délai d'enrichissement de la banque ne se trouvera-t-il pas allongé au minimum de deux ans pour les monographies? L'ouvrage recensé sera-t-il dépouillé par l'intermédiaire de la recension - cet accès indirect rendant naturellement impossible l'enregistrement intégral des sources juridiques citées; ou alors il faudrait penser que les collaborateurs de FIURIS se livreraient au dépouillement systématique, page par page, des ouvrages référencés, tache immense si le volume n'a pas été pourvu d'un index des sources. Il me semble donc qu'à partir du moment où le principe de l'exhaustivité a été choisi, il est regrettable de limiter à une masse présélectionnée le travail de dépouillement. La fiabilité scientifique de FIURIS en souffre: ce qui est dommage, car l'enregistrement systématique, le seul rigoureusement objectif, de toutes les sources juridiques citées fait de FIURIS un outil irremplaçable. Il conviendrait donc d'étendre aux monographies, aux volu-Page 282mes de Mélanges4, aux collections telles que les séries Annali..., Studi..., et aux principales revues consacrées à l'antiquité et non encore retenues, le principe du dépouillement systématique et exhaustif, Ou alors, il conviendrait d'y renoncer pour une autre conception de la banque des sources citées.

    Or ici, on peut se demander si le stockage systématique de toutes les citations des sources juridiques (pour nous en tenir à elles seules, pour le moment, dans l'esprit de FIURIS) est viable à long terme. Je ne soulèverai pas le problème des coûts humains et financiers, assurément gigantesques pour nourrir une banque de données aussi ambitieuse. Mais je me placerai au niveau du résultat: le chercheur ne tardera pas à être submergé par un amoncellement de références, si un choix ne précède pas l'enregistrement ou le stockage informatique. Les réserves de N. Palazzolo5, au terme de l'expérimentation conduite sur deux ans d'un dépouillement systématique des sources juridiques (et littéraires et épigraphiques), doivent être prises très au sérieux: 150.000 références pour deux années de production romanistique - et le chiffre me paraît encore très au-dessous des résultats d'un dépouillement exhaustif6 - conduiraient à l'ensevelissement vivant du chercheur, menacé du supplice des Vestales. Je prendrai un exemple: uae excellente monographie récente, consacrée à la naissance du concept de contractus, riche de 300 pages, et particulièrement économe de notes, comporte un index des sources citées riche d'environ 1.000 références (800 pour les sources juridiques, 200 pour les sources littéraires). Est-il indispensable, ou simplement profitable pour un.chercheur, d'enregistrer les 46 références au D. 50, 16, 19 ou les 34 occurrences de D. 2, 14, 7? Il est sûr que l'enregistrement dans la banque d'un seul D, 50, 16, 19 accompagné de passim (et de même pour D. 2, 14, 7), suffira à informer le chercheur: il comprendra que ces définitions du contractus et du pactum jouent un rôle essentiel et permanent dans une monographie qui leur est consacrée.

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    Il est vraisemblable qu'à moyen terme, tous les responsables et auteurs d'une banque de données des sources seront affrontés à un choix, imposé par le seul souci d'apporter à l'utilisateur une aide efficace. Il faudra bien, en effet, opter entre deux formes d'exhaustivité relative», puisque l'exhaustivité absolue n'est ni réalisable ni souhaitable:

    - ou relever toutes les sources et toutes les citations, mais en restreignant l'enquête à une partie seulement de la production romanistique ' (système actuel de fiuris; modèle du Generalregisîer de la ZSS);

    - ou tenter de couvrir l'ensemble de la production romanistique, mais en ne retenant, par force, qu'une partie des sources citées.

    En se gardant de toute utopie, on peut penser que la deuxième stratégie pourrait s'imposer à long terme. On n'ignore pas l'obstacle majeur maintes

    fois dénoncé contre l'idée d'une sélectivité: quel critère permettrait à l'analyste ou au recenseur de faire le tri entre la source majeure et la citation accessoire, redondante ou .même (qui n'a pas une fois ou l'autre cédé à ce penchant?) simplement pédante? Il est clair que seul l'auteur de l'article ou de la monographie est capable de procéder a ce jugement rigoureusement scientifique. Cette suggestion est sans doute excessivement naïve: mais je pense que l'avenir des banques de données bibliographiques passe par cette petite révolution qui aboutirait à associer de façon systématique et rationnelle lès auteurs au dépouillement, a l'analyse, à l'indexation de leurs propres travaux. L'ampleur prise par les banques de données place leurs animateurs à un tournant; ils sont parfaitement conscients que l'on ne peut demander a un nombre toujours croissant de chercheurs de consacrer une grande partie de leurs talents, de leurs compétences et de leurs forces à aider d'autres chercheurs à travailler7. Grâce a la diffusion des banques de données, toute la...

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