La notion de l'information en Droit. Cadre conceptuel et Application au Droit communautaire

AutoreOlivier P. Hance
CaricaAvocat aux Barreaux de Charleroi et Nivelles (Belgique) et de Luxembourg où il dirige le cabinet Hance Law qu'il a fondé
Pagine7-78
La notion de l’information en Droit.
Cadre conceptuel et Application au Droit communautaire
OLIV IER P. HANC E
SOMM AIR E:1. Introduction – 2. La construction d’une notion de l’information – 2.1.
L’acception commune de l’information comme point de départ – 2.2. La double dis-
tinction entre l’information et la donnée informatique comme approfondissement –
3. La réception de la notion d’information en droit communautaire – 3.1. La recon-
naissance générale – 3.2. Les reconnaissances spécif‌iques – 4. Conclusions
1. INT RODU CTI ON
La présente contribution est consacrée à la construction d’une notion de
l’information en droit1, particulièrement dans un contexte de droit commu-
nautaire.
Tout effort théorique d’appréhension – ou de construction – du statut
juridique de l’information se heurte systématiquement à une étape prélimi-
naire qui est nécessaire à l’étude de ce statut et dont on ne peut faire l’éco-
nomie, à savoir s’accorder sur la notion d’information, dans notre ordre ju-
ridique de référence, ici le droit communautaire.
Il faut en effet concéder que jusqu’ici, bien peu a été dit en doctrine sur
la notion d’information in se. Le propos de cette étude est précisément d’y
L’Auteures t Avocat aux Barreaux de Charleroi et Nivelles(Belgique) et de Luxembourg
où il dirige le cabinet Hance Law qu’il a fondé. Il est également Professeur Associé à l’IAE
de l’Université Paul Cézanne, Aix-Marseille où il enseigne notamment le droitde l’informa-
tion et le droit international des affaires. Il est membre de l’International Bar Association, la
Luxembourg Private Equity & Venture Capital Association et l’Association of Luxembourg
Fund Industry. Il est également membre correspondant au Luxembourg du Comité scienti-
f‌ique de la revue “Informatica e diritto”. Il peut être joint sur olivier.hance@hance-law.com.
L’Auteurexprime toute sa gratitude à Mme Simona Binazzi pour la grande précision de sonn
travail rédactionnel et au Dr. Sebastiano Faro, membre du comité editorial de cette revue
pour sa relecture patiente et ses suggestions. Cette contribution a bénéf‌icié de son apport in-
déniable. Comme toujours, l’Auteur assume par ailleurs seul les erreurs, omissions et lacunes
de la contribution telle qu’elle est publiée. Les sites ont été visités en février 2012.
1Sur l’importance de la question juridique de l’information, voir récemment : O.
HANCE ,L’information et le droit : la question du statut juridique de l’information, in “Re-
vue Lamy Droit de l’Immatériel”, 2011, n. 75, pp. 66-75.
8Informatica e diritto /Studi e ricerche
remédier. La diff‌iculté tient, outre la polysémie naturelle2du vocable “infor-
mation”, à ce que l’entreprise du juriste consiste très souvent à élaborer, à
terme, un statut juridique de l’information. Ce qui signif‌ie que la qualif‌ica-
tion en droit – proche du concept – ne se découvre que dans les conclusions
2C’est en effet devenu un lieu commun de rappeler que, sous le même vocable “informa-
tion”, sont rangées des réalités très diverses telles que les informations journalistiques, géné-
tiques, météorologiques, numériques, mathématiques ... L’approche partielle et inadéquate
pour la présente recherche de Messieurs Breton et Proulx permet cependant de souligner
la polysémie implicite de la notion : “un même mot information recouvre des réalités bien
différentes [...]le même mot sert à désigner, aussi bien le récit des faits par un journaliste,
que le “bit” qui transite dans les circuits d’un ordinateur [...]. Dans un cas, on désigne de
la matière langagière vivante, description, récit, témoignage, pourvu qu’elle représente un
élément de la réalité. Dans l’autre, il s’agit, comme nous le dit l’Académie française, du “sup-
port des connaissances et des communications dans le domaine technique, économique et
social” (P. BRETON, S. PROULX,L’explosion de la communication, Paris/Montréal, La Dé-
couverte/Boréal, 1991, p. 93, cité par CH. GOLD FING ER,L’utile et le futile. L’économie de
l’immatériel, Paris, Éditions Odile Jacob, septembre 1994, p. 113). Telles sont la pauvreté
et l’ambiguïté du langage commun en ce domaine. Les sciences qui ont choisi l’informa-
tion comme objet premier, l’ont conceptualisée selon leurs besoins, leurs méthodes et leurs
a priori. Faut-il s’étonner si ces concepts diffèrent entre eux, d’abord, de ceux du droit, en-
suite ? Undétour par la sémantique, la théorie de l’information et la génétique ... aurait certes
l’avantage de l’exotisme mais ne serait pas somme toute très utile à notre démarche. Pour
une analyse multidisciplinaire sommaire, on lira utilement : J. ARDOI NO,Information et
communication, in “L’encyclopédie philosophique universelle”, philosophie occidentale, p.
1299 ; H. ATALN,Du code génétique aux codes culturels, in “L’encyclopédie philosophique
universelle”, 4, l’homme et la nature (55), pp. 419-430; S. AU ROUX,Éthique de l’informa-
tion, in “L’encyclopédie philosophique universelle”, philosophie occidentale, pp. 1300-1301;
J. CAZE NEU VE,Les pôles de la communication, in “L’encyclopédie philosophique univer-
selle”, 3, les hommes et les sociétés (35) ; G. CHAP OUTI ER, J.-J. MAT RAS,Information et
biologie, in “L’encyclopédie philosophique universelle”, philosophie occidentale, pp. 1298-
1299 ; G. CHAP OUTI ER, J.-J. MAT RAS,Information et sciences physiques, in “L’encyclopédie
philosophique universelle”, philosophie occidentale, pp. 1299-1300; L. C OUFFI GNAL (ed.),
Le concept d’information dans la science moderne, Gauthiers-Villars, Éd. de Minuit, 1965 ;
U. ECO,Sémiotique et philosophie du langage, Paris, P.U.F., 1988, 285 p.; U. EC O,Le signe,
Bruxelles, Éditions LABOR, 1990, 220 p. ; U. ECO,La production des signes, Paris, Librairie
générale française, coll. le livre de poche, 1992, 126 p. ; S. LEBRIS,Éthique et gestion de l’in-
formation de santé, Sherbrooke, Cours polycopié de maîtrise de droit de la santé, Université
de Sherbrooke, 1993, 12 p.; B. L IBOI S,L’information, produit de consommation, in “Revue
nouvelle”, février 1991, n. 6; A. M OLES,Théorie de l’information et perception esthétique, Pa-
ris, Denoël, 1972 ; A. MOLES,Sociodynamique de la culture, Paris, La Haye, 2è éd., Mouton,
1971 ; L. QU ÉRÉ,Information, in “L’encyclopédie philosophique universelle”, philosophie
occidentale, p. 1297 ; M. RONAI ,L’information, clé du pouvoir, in “Le monde diplomatique”,
avril 1993, p. 32 ; M. RO NAI, T. THIB AULT,L’archipel de l’information. Manières de voir, n.
12 ; J.-P. SERI S,Machine et communication, in “L’encyclopédie philosophique universelle”, 4,
l’homme et la nature, p. 430 ; F. TERRO U,L’information, Paris,P.U.F., 1964.
O.P. Hance /La notionde l’infor mation en Droit. Cadre conceptuel et Application ... 9
de cette élaboration. L’on pourrait donc, avec quelque sentiment de provo-
cation, questionner l’utilité elle-même de l’objet de cette étude. Mais, inver-
sement, ne pas adopter de concept liminaire conduirait la recherche et l’ex-
posé dans un cercle vicieux où un statut juridique doit être recherché pour
un objet non déf‌ini. C’est selon nous l’une des plus grandes diff‌icultés qui
guettent le juriste en quête d’élaboration d’un statut juridique de l’informa-
tion. Notre propos sera donc limité à combler cette lacune méthodologique
et à proposer, dans notre ordre juridique de référence, le droit communau-
taire, une notion de l’information en Droit.
On tentera donc de cerner une notion de l’information qui puisse rendre
compte autant du sens commun que de la réalité des processus communi-
cationnel et cognitif en prenant comme point de départ de cette réf‌lexion
l’enseignement de la doctrine (Section 2). Il s’agira ensuite de démontrer que
la notion d’information que nous proposerons est reçue en droit commu-
nautaire (Section 3).
2. LA CO NSTRUCTION DU NE NOT ION D E LINFOR MATION
Commençons par souligner que c’est l’information dans son acception
unitaire qui retient ici notre attention. C’est le plus petit informationnel qui
est au cœur de notre recherche, l’information dans son acception la plus
minimale. Il ne s’agit plus de soutenir l’appropriation ou la protection d’une
quasi-création3mais bien de s’intéresser cette fois, dans le cadre limité de
cette étude, au sort de l’unité d’information de plus diffusée sur l’Internet
pour à destination d’un large public.
La doctrine s’est déjà employée à souligner que l’étymologie déroute au
premier abord : “Informer, c’est infuser une forme, conférer une forme à ce
qui n’en a pas. D’aucuns y voient le signe d’un lien consubstantiel de l’in-
formation avec la forme d’expression. L’information serait la mise en forme
d’une connaissance (on voit d’emblée le parti que l’on peut en tirer en droit
...)”. Et dépassant le point de vue de certains qui croient bon de s’arrêter à
ce premier constat, notamment pour en tirer le parti d’une réservation pri-
vative, cette doctrine nous mettait au contraire en garde en poursuivant :
“Malheureusement la construction grammaticale dément cette signif‌ication.
Lorsque l’on informe, on informe quelqu’un, non quelque chose : ce que l’on
3Pour une excellente étude de la protectionde la quasi-création en droits belge, allemand
et français, voir M. BUYDE NS,La Protection de la quasi création, Collection Création Infor-
mation Communication, Bruxelles, Larcier, 1993, 825 p.

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