En orbites elliptiques: modèle garantiste, valeur de la certitude et droit pénal
Autore | Staiano, S. |
Pagine | 1331-1353 |
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Sandro Staiano
EN ORBITES ELLIPTIQUES:
MODÈLE GARANTISTE, VALEUR DE LA CERTITUDE ET DROIT PÉNAL
SOMMAIRE: I. Valeur de la certitude et garantisme pénal. - II. Modèle idéal de garantisme pénal et systèmes
juridiques positifs. - III. Ga rantisme pénal et Constitution en Italie. - IV. Modèle garantiste et droit
pénal substantiel. - V. Modèle garantiste et procédure pénale. - VI. Garantisme, certitude et système
judiciaire. - VII. Quelques considérations finales.
I. Valeur de la certitude et ga rantisme pénal
C’est sur la ligne segmentée du développement historique des systèmes juridiques
que s’affirme la valeur de la certitude en droit pénal, cadre de l’expérience juridique
dans lequel se manifeste le plus amplement son principe «garantiste», parce q ue le
pouvoir de punir touche la personne, de la manière la plus profonde et la plus directe,
en limitant ses droits fondamentaux.
Il existe, en effet, une double distance entre les idéaux et leurs traductions
normatives: l’évolution de la culture juridique a conduit à la création de constructions
théoriques qui conçoivent le droit pénal – procédure et droit substantiel – comme un
droit fondé en principe sur les exigences de garantie. Le garantisme pénal trouve sa
place dans les Constitutions, qui renversent le dogme de la toute puissance du contrôle
législatif; en droit positif, les systèmes répressifs dans leur manifestation de droit
commun, s’intègrent dans le cadre constitutionnel et en traduisent avec cohérence
l’organisation dans le respect des exigences procédurales. À l’occasion de la transition
du modèle idéal de garantisme pénal à la Constitution, puis de la Constitution aux lois
pénales, apparaissent des césures, des insuffisances, des écarts importants.
La clef de voûte de la construction garantiste est inscrite dans le principe de la
légalité: seuls sont punissables les comportements que la loi incrimine, sans jugement
moral et sans appréciation subjective du cas de la part du juge. Mais, à son tour, la loi
ne peut pas introduire des incriminations de façon arbitraire. Le contrôle politique doit
définir l’infraction dans le strict respect d’un fait, identifiable avec exactitude et
imputable avec précision à la culpabilité d’un individu; la loi, sans aporie avec sa
propre fonction, ne peut pas considérer une qualité personnelle comme pénalement
pertinente. En dehors des cas de violations d’une loi avec un tel contenu, il n’y a pas
d’infraction mais liberté.
De ce principe dérive – ou à ce principe se relie – le principe d’égalité devant la
loi; les infractions étant des cas objectifs de déviance, leur définition est la condition
première d’un égal traitement pénal.
Du point de vue procédural, la détermination de textes généraux et abstraits
d’incrimination entraîne un processus «de contrôle», dans lequel se développent la
reconnaissance de la loi et la connaissance du fait1.
Il presente contributo è pubblicato anche in La cohérence des châ timents, Essais de philosophie
pénale et de criminologie, vol. 10, Paris, Dalloz, 2012.
1 Luigi Ferrajoli reconnaît déjà le principe chez C. BECCARIA, Dei delitti e delle pene, édition de
Livourne de 1776, Torino, 1981, III, 14, où il est écrit «Egli è dunque necessario che un ter zo giudichi della
verità del fatto. Ecco la necessità di un magistrato, le cui sentenze... consistano in mere asser zioni o
negative di fatti particolari»: cf. L. FERRAJOLI, Diritto e r agione. Teoria del gara ntismo penale, Roma-Bari,
2008, 9 et note 10.
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La certitude constitue donc le fondement de toute autre garantie pénale de la
liberté du citoyen laquelle est en revanche nécessairement compromise par les pouvoirs
arbitraires qui sont fondés sur l’imprécision de la définition des différents délits et sur
la flexibilité des peines et qui emphatisent la fonction du juge et transforment le procès
pénal en procès «constitutif» et non plus «de contrôle».
En outre, – si le droit pénal doit être conçu comme une garantie de liberté, de
limitation du pouvoir punitif de l’État – les peines ne peuvent pas être déterminées sans
la contrainte résultant de la définition de leur fondement dans un système spécifique, si
ce dernier est basé sur les caractéristiques du constitutionnalisme: la loi, tout
particulièrement dans ce domaine, ne peut pas prendre les traits d’une décision
politique libre, puisque «dans la détermination du licite et de l’illicite, s’exprime le
rapport entre l’État et le citoyen, entre l’autorité et la liberté»2. La peine est ici
l’instrument de la protection de certains biens juridiques à travers l’atteinte à d’autres
biens juridiques, et pose donc la question de la justification – du caractère
potentiellement injuste – du dommage qu’elle concrétise3.
Dans cette approche, un fait peut être classé comme une infraction seulement s’il
porte atteinte à un bien juridique, ce qui entraîne la limitation maximale de l’intervention
pénale et la plus grande extension du cadre des garanties. Or, l’appréciation de
l’offensività et de l’étendue des garanties doit être faite selon les nécessités effectives
d’un système historiquement déterminé4.
En introduisant l’incrimination, la loi devrait la définir en prenant en considération
l’atteinte causée au bien protégé (en effet, dans une approche «garantiste», le principe
d’offensività ne peut pas être conçu comme une clause générale qui permettrait au juge
d’apprécier au cas par cas si un dommage certain découle d’une conduite abstraitement
prévue et punie en raison du danger qu’elle implique: dans ce cas aussi, il en résulterait
un préjudice pour la valeur de la certitude et pour l’égalité des citoyens5).
II. Modèle idéal de garantisme pénal et systèmes juridiques positifs
Plusieurs facteurs idéologiques et échecs opérationnels font obstacle à la traduction de
ce modèle idéal dans les systèmes juridiques contemporains.
D’une part, la conception de la toute-puissance de la loi comme le produit du
processus de la représentation politique – idéologie qui résiste aux répliques de
l’expérience historique – a d’abord entraîné la reconstruction mécanique de la position
2 D. PULITANÒ, Politica cr iminale, ad vocem, in Enc. dir., vol. XXXIV, Milano, 1985, 76.
3 À ce propos, voir la relecture de la construction de von Litz élaborée par D. PULITANÒ, op. loc. cit.
4 L. FERRAJOLI, op. cit., 339: «... chaque justification est historiquement et sociologiquement relative,
étant conditionnée par le niveau de civilisation des règles dont il parle: dans une société barbare, où le taux
de violence est éle vé tant en termes d’infractions qu’en termes de prédispositions aux vengeances, la
valence institutionnelle nécessaire à la prévention sera relativement élevée; alors que dans une société
développée et tolérante, dans laquelle le ta ux de violence sociale est bas, un droit pénal particulièrement
sévère n’est pas justifié... Il faut en somme comparer la gravité et le nombre des peines avec la gravité et le
nombre de violences qui s’expriment dans la société et selon le degré de son caractère i ntolérable dans la
société». Et D. PULITANÒ, op. cit., 75, à propos de l’«idée du but»: «... La justice pénale n’est pas perçue
comme une valeur en soi, selon un modèle de justice transcendante et absolue, mais elle est soumise à
l’analyse et à la construction comme une institution humaine, historiquement déterminée, orientée vers des
fonctions spécifiques».
5 Voir dans le cadre du débat sur le principe d’«offensività» dans la doctrine itali enne, G. VASSALLI,
Considerazioni sul pr incipio di offensività, in Scritti in memoria di Ugo P oletti, Milano, 1982, spéc. 626 et
s.: «...Il ne peut pas exister d’offensività qui ne se traduise pas, dans les normes pénales, par une définition
explicite de l’infraction. L’offensività ne pourrait, autrement dit, qu’entrer dans le cadre de la légalité, et ne
pourrait prétendre à aucun espace légitime en dehors de celle-ci».
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