L'informatique judiciaire au Ministère français de la Justice

AutoreJean-Pail Biffelan
CaricaPedalisi e d'inf ormatique juridique
Pagine63-91

Jean-Pail Biffelan est né le 12 april 1931, à Toulouse (France). Àncien pensionnaire de la Fondanon Thiers è Paris, docteur en droit, ingénieur O.S.T., il a fati une carrière de chercbeur sciefttifiqtse au Centre nanond de la recberche sciennfique, puis à l'institut de recherete d'informatique et d'automatique oh il a créé le cenire de documentation. Directeur de VInstitut de Recherche d'Inf ormatique Juridique à ITJniversité de Paris-Smd jusqu'em 1974 il est actuellement Manre de conférences de droit public en coopération à ITJniversité mattonale du Gabon. Il a puhlié de nombreux articles et divers ouprages, nolamment jufindex, l'actualité bibllographique de droit frangais, Paris, Masson, 197ly pré~ face de Jean Foyer, et Introduction à l'informatique juridique, - Paris r Journal des Noi aire $, 1976, préface de Jean Meyrlai. Sur le plan internationd, son activité de conférencier Va amene dans differenteI universités d'Europe, d'Amérique latine et d'Àfrique,

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Àu tribunal de grande insttnce de Paris, le nombre des plaintes "et des procès-verbaux est passe de 250.000 i plus de 510.000 en sept ans Cet accraissement de la, criminalità résulte de l'augmentation, dans des pro- portions considérables, de la population dans la région parisienne. Chaque affaire dònnant naissance à plusieurs fiches, les fichiers se sont gonflés de plusieurs millions de fiches qun est devenu impossible de gérer ma-nuellement. De plus, l'apurement des fichiers, tous les deux ans? est ittéaMsable par les méthodes traditionnelles.

Un premier remède a consistè dans la déconcentration du Tribunal de Patis et la créttion de nouveaux tribuntux en couronne/ autour de la capitale, à Bobigny, Nanterre, Créteil, etc, ainsi que par finstallatici d'une cour d'apl i Versailles 1. Des inconvénients sont apparus rapi-dement: d'une part, dispersion des poursuites concernant des délits com-mis dans des départements voisins par un mème individu; d'autre part, ' pour un fait- unique, exercice de poursuites multiples, soit devant diffé-rents juges d'instruction du mème tribunal, soit devant des tribunaux voisins.Page 64

Il a fallu se résoudre I étudier les 'solutions proposées par I Informatique, en dépit de la méfitece de nombreux magistrats à Pégard de Pordinateur, Faut-il rappeler qu'une circulaire, toujours en vigueur, du ministre de la Justice, en date du 27 février 1959, préconlse, pout remplacer Parchaique copie à la main des documenti, « Putilisation du ctayon à bilie et de papier carbone spedai »I

C'est dire que Pinformatique juridique dont fai été un des précurseurs en France, avec mes distingués collègues, Pierre Catala et Edmond Bertrand, nest entrée à la Chancellerie du ministre de la Justice que sous Peffet de la necessitala plus impérieuse. Certains hauts magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat? qoi avaient également préisé le recours aux méthodes d'informatique, n'avaient pas davantage été entendus, et les pertinentes initlatives du Garde des Sceaux, Jean Foyer, n'avaieot pas survécu à soe départ du mloistère.

À peine Putilité de Pinformatique était-elle reconnue, fut-ce du bout dfes lèvres, par-les magistrats de la Chancellerie, qu\ine nouvelle querele éciatait. À li conception traditionnelle d'une justice décentralisée, siégeant près des jnsticiables, avec des tribunaux à faible effectif et moyens modestes, certains « jnrisformaticiees » opposaient? au noni de PefEcadté et de la rentabilité, une vision futuriste d'un petit nombre d'importantes juridictions disposant d'un nombreux personeel et dotées déquipements lourds (gros ordinateur). Cette doctrine était notamment celle de la Com-mission pour le développemeet de Pinformatique, dont le maifre d'oeuvre était le Dr, Monzein, et qui avait été créée pour supplanter une precedente « comtnissicMi de Pinformatique », d'une composition plus ouverte et jugée peu efficace.

Ces disputes de chapellel mais tux conséquences redoutableSj se sEt exacerbées au moment de Papparition des petits ordinateers de bureau et de la découverte des possibilités de la micro-informatique que le prò-fesseur B-runo Lussato a mis en valeur. La création d'une division d'e Pinformatique au ministère de la Justice a été Penjeu des deux camps. Le Dr. Monzein, champion de Pinformatique lourde? était candidai au poste de chef de ce nouvetu service, ttndis que M. Malbec? vice-prési-dent du tribunal de Bdbigny? était soetenu par les partisans de la mieto» informa tique. Un tiers larron Pemporta, M, Ledere, magistrtt précédem-ment chtrgé de mission à la defunte Dèlegation i Pinformatique.

En résumé, Pinformatique judiciaire a vu le jour? en France» dans les années 1970-1971, Les nombreux obstacles surgis sur la voie de Pauto-matisation ont obligé Padministration à garder aux premières tentatives un caractère expérimental. Ces difficultés tiennent? d'une part, aux prétentions de la Chancellerie de considerar Pinformatique judiciaire connne spécifique: les concours offerts tant par les universitaires que par les ges-tionnaires des Àrmées ou des Finances sont restés sans réponse. Ce refus des précédents a ralenti la mise en place du systèrne, Celui-d,Page 65 d'autre part, a subi le contrecoup des réformes de la procedure et de l'organisation judiciaire parlsleene. En outre, Pabsence de. magistrats. for- més à Pinfocmatique a été palliée par le recrutement d'ingénieurs. 'informaticiones venant de l'extérieur et qu'il a falln initier aux problèmes judiciares, alors qun aurait été plus rationnel de suivre le processili inverse. Enflo, il fallait compter avec Phabituelle prodence des finanriers, peu soucieux de mettre toutes les dotations budgétaires dans le tnèmpanier.

C'est donc dans deux directions divergentes que se -sont développées les expériences menées en matière d'informatique judiciaire: d'un cote, les projets qui impliquent l'utilisation d'un gros ordinateut; de l'autre, ceux qui ont été réalisés à l'aide d'équipements légers.

Nous examieerons successivement l'infoirmatique judklaire. lourde, dans une première partie, et la microinformttique, dans un second ' volet.

@I. L'informatique judiciare lurde

Le lancement du plan Ctlcul, en 1967, avait pouf objectif de doter la France des ordinateurs les plus puissants, constmits par une entKprise ustionale, mt éviter de tomber sous la dépendance des constructeurs américains. L'opinion publique avait été sensibilisée à ce problème et, dans les aimées 1970-1971, celui qui rèvait d'informatique, pensait « équi-pement lourd », c'est-à-dire dote d'une importante mémoire centrale. Cest dans cet esprit quont été préparés les deux projets majeurs du ministère de la Justice: l'automatisation du casier judiciaire et la mise sur -ordinateur du bureau d'ord're penti de la région parisienne.

@@À. L'automatisation du casier judiciaire

Un premier projet, qui a été exposé par soe tuteur? le Dr. Moozein, dans une chronique de la « Semaine juridique »2, proposait le regroupe-ment du casier judiciaire, tctuellement tenu dans chaque tribunal, en cinq centres équipés chtcun dJun gros ordinateur fonctionnant sur un pro-gramme commun. Peu realiste et fort coùteux, il a été abandonné en 1974. Un nouveau projet consiste à maintenir en place le casier judickire teeu à jour tu siège de chtque tribunal de grande instance et à relier ce der-nier à un ordinateur centrai. La Chancellerie a installé un centre de calcul équipe d'un IRIS 80, à Versailles. La llaison avec les ttibuaaux-est prévue sous trois formes:

- directement par un réseau commuté pour ies principaux tribunaux;

- ptr llaison téléphonique commutée sur une dizalne de Mitra-15 fai-Page 66 sant office de concentrateurs» pour les autres tribunaus; - par llaison postale dassique, en attendant mieux,

Le but du casier - judiciaire est de permettfe de savoir si. en individu a été condamné pénalement, s'il est rechefché, sn ne fall pas l'objet d'une interdiction d'exerdce de certaines professione, si son identité ne risque pas d'étre usurpée par suite de perte de papiers d'identité. Son fomction-nement repose sur un enregisttement exact de l'état-dvil du condamné d'abord, ensuite, sur une mise à jour 'du relevé des candamnations ai fonction de la communicatloin des jugements de condamnation, des sur-sis, des réhabiMtations, des grices et des amnisties, n y a donc un doublé problème, à la fois juridique et technique.

Le problème juridique peut ètte mentionné pout mémoi-re, car il n'est pas nouveau: il réside principalement dans la difficulté de détemmer les condamnations effacées par les lois d'amnistie. Quinze lois d'amnistie ont été promulguées en Frtnce depuis 1947: aucune n'est -pareille à une autre. Telle infraction est exclue dp champ d'une lei, mais bénéficie d'une autre. Le plafond des pein.es amnistlables varie seion les lois. Seuls, les vièux greffiers expérimentés arrivent à s'y retrouver; peu de substi-tuts sont à méme d'effectaer un con tròie sérieux. Néanmoins, la Kspon-sabiltté du procureuf de la République est engtgée par sa signature sur les bulletins de casier judiciaire établis par le greffe du tribunaI, lorsqu'une condamnation amnistiée a été mentionnée.

Le casier judiciaire est tenu par le greffe de càaque tribunal de grande instance et regroupe les fiches de toes . les condamnés dont le leu de naissance est situé dans le ressort de ce tribunal. Quand une condanmt-tfon frappe un étranger ou un Frangais né à l'étranger, elle est enregistrée au casier judiciaire centrai "instale à Nantes (Loire atlantique), "

Le casier judiciaire compKnd, d'une part, des fiches péndes relatives à des condamnations prononeées poer crine et délit, ou encore pour certaines contraventions; d'autre part, des fiches du casier d'ivresse, du fichier des condueteurs; an£n9 certaines condamnations civiles (par exemple, déchéance de Fautori té parentale) ou comme-rciales (interdiction d'exercer certaines professions; faillte).

À l'écheion eational, on estime qufil y aurait approxnnativement ax mm sept milMons de fiches dans...

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