Le dialogue interculturel et interreligieux dans l'espace euro-méditerranéen
Autore | Cosimo Notarstefano |
Pagine | 43-74 |
CHAPITRE II
Le dialogue interculturel et interreligieux
dans l’espace euro-méditerranéen
SOMMAIRE: 1. Le Rapport du Groupe des Sages. – 2. Le dialogue interreligieux.
– 3. Le dimension culturelle dans le cadre du partenariat euro-
méditerranéen.
1. Le Rapport du Groupe des Sages
a) Cadrage conceptuel.
Bien avant le drame du 11 septembre 2001, la présidence
de la Commission européenne (période 1999-2004)1, avait attiré
l’attention sur l’urgence de se dédier au dialogue interculturel
entre peuples et cultures qui devait reposer sur l’égale dignité
des cultures et sur le respect des droits fondamentaux pour
chaque être humain.
Une des premières manifestations publiques de cette volonté
politique a été le Colloque sur le Dialogue interculturel tenu
les 20 et 21 mars 2002 à Bruxelles, dans le cadre de l’Action
Jean Monnet de la Commission européenne, avec l’adoption
d’une Déclaration du Comité scientifique2.
1 À cette époque le Président de la Commission européenne, Romano
Prodi, soulignait la nécessité de repenser ce Dialogue, considérant, selon les
termes de l’Acte constitutif de l’UNESCO, que «les guerres prenant naissance
dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut élever les
défenses de la paix». Partant de ce constat, deux questions étaient formulées:
– Comment contribuer à l’émergence, aux côtés de la société des États, d’une
«société des Peuples et des Cultures» dans l’espace euro-méditerranéen?
– Quelle forme devrait revêtir ce Dialogue entre les Cultures, et avant tout au
sein des Peuples qui en sont à la fois les porteurs et les héritiers, sachant
qu’il doit être régi au moins par les trois principes qui sont l’égalité,
l’appropriation et la fertilisation croisée?
2 Le Comité scientifique était composé par un président (Hartmut Kaelble)
et cinq membres (Enrique Banus, Léonce Bekeman, Rostane Mehdi, Antonio
Papisca, Bo Stråth).
CHAPITRE II
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«1. Face aux événements tragiques du 11 septembre,
l’Union européenne doit assumer une responsabilité morale et
politique essentielle en étroite liaison avec ses partenaires de
l’espace méditerranéen. Le maintien de la paix dans la région
et la sauvegarde des droits de l’homme se conçoivent désormais
dans le cadre d’une responsabilité partagée.
2. À cet effet, la politique de dialogue interculturel doit
occuper, à côté des instruments classiques d’action économique
et diplomatique, une place cruciale. Dans cette perspective, le
dialogue interculturel serait un instrument efficace de prévention et
de règlement des conflits quelles qu’en soient les manifestations.
Dans un contexte de diversité culturelle, le dialogue conduit à une
compréhension mutuellement enrichissante. Dans un monde
globalisé, la politique de dialogue interculturel garantit la prise en
compte du respect des droits de l’homme, de la démocratie et
d’une réflexion permanente sur les racines de la violence et du
terrorisme.
3. Cette politique du dialogue interculturel de l’Union doit
être guidée par une nouvelle vision globale et marquée par la
recherche constante de cohérence. L’espace méditerranéen doit
devenir un espace exemplaire uni par des valeurs communes, animé
par une foi partagée dans les droits de l’homme, la tolérance, la
solidarité et la diversité des cultures dans la compréhension mutuelle
et la prise en compte du fait religieux. La libre circulation des idées et
de la pensée favorise l’inspiration mutuelle et ouvre ainsi la voie à
un espace de paix et de réconciliation après une longue histoire
des conflits.
4. La politique du dialogue interculturel de l’Union devrait
poursuivre trois objectifs prioritaires:
a) L’éducation des jeunes dans un esprit de tolérance et dans
un souci de connaissance réelle de l’autre. Dans ce but, il
est souhaitable d’exercer une action décidée en faveur de
l’échange des jeunes issus des différentes cultures.
b) Cette politique doit encourager le dialogue entre les peuples
dans l’espace méditerranéen, les coopérations entre les sociétés
civiles et les rencontres locales au plus près des citoyens.
c) Cette politique de l’Union doit promouvoir un dialogue
décloisonné et ouvert entre les intellectuels, les universitaires,
LE DIALOGUE INTERCULTUREL ET INTERRELIGIEUX DANS L’ESPACE EUROMÉD
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les journalistes, les acteurs économiques et politiques. À cet
égard, le rôle des media en particulier est déterminant. Il est
souhaitable que le dialogue interculturel s’inscrive dans la vie
quotidienne. Conscients de la responsabilité partagée que
l’Union et ses partenaires devront assumer, la communauté
académique, réunie à Bruxelles pour la conférence sur le
«dialogue interculturel», invite l’Union à s’engager dans une
politique ambitieuse et de longue haleine en faveur du dialogue
interculturel. Dans cette perspective, le monde universitaire et
de la culture oeuvrera sans relâche à la promotion de valeurs
communes dans le dialogue interculturel»3.
Dans ce contexte institutionnel un Groupe des Sages sur le
Dialogue entre les Peuples et les Cultures venait d’être créé à
l’initiative du Président de la Commission européenne4, chargé de
faire des propositions concrètes et opérationnelles pour l’espace
euro-méditerranéen, dans le cadre d’une politique de voisinage
destinée à réaliser «un espace de prospérité et de bon voisinage».
3 Le dialogue interculturel doit être fait sous un bon choix des
thématiques , dans une recherche pérenne des valeurs communes, dans un esprit
ouvert et tolérant vers des divergences et des conflits, aussi dans une meilleure
appréciation de l’historie commune, des transferts importants de la part des autres
vers l’Europe, de la contribution des autres pour les sciences, pour la vie
culturelle, du fait que les autres font partie de l’Europe et son histoire. «…La
destinée de l’Europe s’est toujours entremêlée à celles de ses voisins. Le recul des
siècles permet de considérer que ces solidarités, imposées ou librement
consenties, ont facilité la réalisation d’un processus de fécondation mutuelle des
cultures. Le temps est venu de dissiper les malentendus et les rancoeurs produits
d’une histoire souvent heurtée et dramatique, pour faire fructifier, dans l’intérêt
de tous, cet extraordinaire patrimoine. La politique du dialogue interculturel doit
être conçue dans un cadre spatial et temporel évolutif. En d’autres termes, le
renforcement d’un dialogue entre les cultures dans la zone euro-méditerranéenne
constitue la première étape d’une politique dont la vocation est d’être élargie
dans les meilleurs délais. Il ne faut pas manquer une chance historique de faire de
l’espace euroméditerranéen une aire de convergence civilisationnelle exemplaire.
Les premiers succès de cette politique inspireront les relations interculturelles qui
se noueront, à l’avenir, entre l’Europe et d’autres espaces de culture».
4 La composition du Groupe des Sages était la suivante : co-présidents (Assia
Alaoui Bensalah, Jean Daniel); membres (Malek Chebel, Juan Diez Nicolas,
Umberto Eco, Shmuel N. Eisenstadt, George Joffé, Ahmed Kamal Aboulmagd,
Bichara Khader, Adnan Wafic Kassar, Pedrag Matvejević, Rostane Mehdi, Fatima
Mernissi, Tariq Ramadan, Faruk Sen, Faouzi Skali , Simone Susskind-Weinberger
and Tullia Zevi), groupe de travail et de réflexion chargé d’appuyer le Groupe des
Sages (Léonce Bekemans, Yudhishthir Raj Isar, Philippe Ratte).
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