Démission, prise d'acte, résiliation judiciaire: tempête juridique sur la rupture du contrat, initiée par le salarié?

AutoreJean Pélissier
Pagine867-878
Jean Pélissier*
Démission, prise d’acte, résiliation judiciaire: tempête juridique
sur la rupture du contrat, initiée par le salarié?
Le droit français du travail traverse une période de tempête. Le mouvement est si
fort que de bons esprits dans les milieux politiques, professionnels ou économiques vont
jusqu’à af‌f‌irmer que l’amélioration de la situation économique et sociale française passe
nécessairement par le déclin, voir la suppression du droit du travail. Celui-ci est pré-
senté comme un obstacle important à la bonne marche des entreprises et à la croissance
de l’économie française. Il conviendrait de faire table rase des dispositions légales et ré-
glementaires qui entravent la liberté et le dynamisme des entrepreneurs. A cet autorita-
risme d’Etat, il conviendrait de substituer la négociation, négociation collective entre les
acteurs sociaux, négociation individuelle entre l’employeur et le salarié.
Lorsque l’on observe avec attention les développements du discours libéral am-
biant, il apparaît que, d’année en année, la mise en cause de la règle de droit du travail
est de plus en plus prégnante.
Dans un premier temps, il s’est agi essentiellement de substituer l’accord collectif à
la loi. Ce n’est pas plus le Parlement, exprimant la volonté du peuple, qui détermine les
règles des relations de travail; ce sont les acteurs sociaux, les associations patronales et les
syndicats de salariés, qui doivent f‌ixer les règles du jeu. Alors qu’il existe encore des es-
prits qui s’interrogent sur les modalités d’une coordination entre la loi et les conventions
collectives, certaines voix af‌f‌irment sans hésitation que la solution à adopter est la sup-
pression pure et simple des dispositions légales. Les règles du travail ne seraient posées
que par les conventions collectives, la loi ne jouant qu’un rôle supplétif. Si cette position
extrême n’est pas of‌f‌iciellement adoptée par les plus hautes autorités de l’Etat, les derniè-
res propositions gouvernementales s’en rapprochent sensiblement lorsqu’elles envisagent
de laisser aux accords d’entreprise la possibilité d’écarter des dispositions légales d’ordre
public comme la durée légale du travail. La norme légale des 35 heures ne serait plus une
norme impérative; l’employeur et les syndicats de l’entreprise pourraient valablement
f‌ixer la durée du travail à 38, 40, 42 heures ou plus de telle façon que les heures ef‌fec-
tuées entre la norme légale et la norme conventionnelle ne soient plus des heures supplé-
mentaires. C’est admettre que le texte légal n’assure plus une protection des salariés;
cette protection est garantie uniquement par la possibilité pour les syndicats de résister
aux demandes patronales.
Dans un second temps, il est proposé de ne donner aux accords collectifs eux-mêmes
qu’une force obligatoire subordonnée à la volonté individuelle de l’employeur et du sala-
rié. Au nom de la liberté individuelle et de la force obligatoire du contrat, on propose de
laisser aux parties au contrat le droit d’écarter n’importe quelle disposition de l’accord
collectif. En d’autres termes, il n’y aurait plus de règle autre que la liberté contractuelle.
* Jean Pélissier è Professeur émérite de l’Université des sciences sociales de Toulouse. È inoltre Directeur hono-
raire de l’Institut d’études du travail de Lyon e Président honoraire de l’Association française de droit du travail.

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